AU-DELÀ DE CE QUE TU VOIS | la danse des couleurs

La dernière série de Carole Bécam, 21 toiles au total, composées entre décembre 2024 et mars 2025, s'inscrit dans une nouvelle démarche initiée à travers une première production intitulée  "Au-delà de ce que tu vois". Elle en est la continuité, prolongeant l'exploration des contrastes et de la lumière sur fond monochrome blanc, noir et terre de sienne. Dorénavant, la couleur s'invite, l'artiste ayant ressenti le « désir d'utiliser la couleur comme le versant d'une pièce de monnaie , telle une ouverture vers une nouvelle dimension, expressive et symbolique ». 

Ici, le visiteur est invité, non pas à une contemplation passive des œuvres, mais à une expérience immersive dans un « Art Présence ». Cette expression colorée,  « primitive chromatique » enrichit le dialogue qui se noue avec le spectateur, convoque ses propres sensations, l'immerge dans des  "Au-delà(s) de ce que tu vois" sensoriels. Autant de vecteurs d'émotions et de sens qui rejoignent l'inconscient collectif des profondeurs, comme le souligne l'artiste : « Chaque couleur peut porter une intention et la symboliser ; des bleus pour évoquer l'introspection ; des rouges pour la passion et l'énergie ; des jaunes pour la clarté, l'énergie solaire ; des verts pour la nature et la régénération, une connexion organique… ». 

Identifiables dans toutes les séries de l'artiste, symboles, signes et écritures imprègnent les toiles, y conférant une force certaine. Autant d'énigmes codées qui, chez Carole Bécam demeurent inexpliquées :  « Les écritures souvent illisibles, ou fragmentées fonctionnent pour moi comme une écriture automatique, à la manière des surréalistes, un héritage universel et métaphysique auquel nous sommes reliés. Quant aux symboles et signes, cela vient tout naturellement, de manière spontanée … ».  La spirale, pour cycle de vie, quête spirituelle ; la lettre X pour suggérer les intersections, les choix ; la flèche, pour une direction, autant d'interprétations et de buissonnements de sens que de spectateurs. Ce qui importe, c'est qu'un dialogue s'installe avec le symbole, image vivante, par essence énigmatique, et que le visiteur tentera d'interpréter ou de réinventer selon les propres tonalités de son imagination. Passerelles reliant les mondes visibles et invisibles, les œuvres d'art se font médiums réceptacles à travers le mouvement de l'artiste. 

Car la gestuelle, héritage de l'abstraction expressionniste, est cruciale dans cette nouvelle démarche et rendue possible grâce à la grande taille des toiles sans châssis que l'artiste peintre travaille à même le sol, en des gestes amples : « Les mouvements impliquent tout le corps, c'est très physique. Cette approche expérimentale et sensorielle offre également une grande liberté qu'on retrouve jusque dans l'exposition des toiles qui ne sont pas encadrées mais suspendues ». Cette technique de travail au sol, inspirée des pratiques comme celles de l' « Action Painting », ou de l'expressionnisme abstrait, libère le geste et offre une spontanéité brute afin de travailler sur la texture rugueuse de la toile de jute : « Mon corps devient un outil d'expression qui traduit des intentions dans chaque trace, alors que le support absorbe ces mouvements avec une authenticité organique. Je me sens en lien entre matière et spirituel, comme unifiée lors de cette danse picturale ». 

La toile de jute est une eau vivante : elle a cela aussi de particulier qu'elle n'est pas enduite comme une toile classique et qu'elle absorbe : « Il me faut donc effectuer de fortes pressions afin d'étaler la peinture pour qu'elle recouvre toute la surface, dont la maille est large. L'acrylique doit s'infiltrer dans tous les pores de la toile, et il me faut beaucoup de force, ce qui ajoute une dimension tactile et brute au résultat  ».

C'est ce qui rend cette nouvelle série colorée si vibrante, une reliance palpable et sensorielle emprunte de sacré et de magie, une ode aux mystères du Vivant, que l'artiste sait si bien transcrire, comme autant de danses de couleurs inconnues que lui chuchoteraient les  "Au-delà(s) de ce que tu vois". 

SANS TITRE N°1  

16 1,5 x 115 - Acrylique sur toile de jute

«  Radicalement "nouveau", ma moitié animale, ennoblie

Se lance en résonnance avec l'ivresse du feu »